
Les frais pour les services vont augmenter de 85 % dès le 1er janvier 2026 à la résidence du Manoir Jeffrey, à Val-des-Sources. Une forte augmentation qui suscite une vive inquiétude chez des résidents et organismes qui craignent que des aînés se retrouvent en situation de grande vulnérabilité, voire à la rue.
Moi, je suis venu ici avec Fernande pour passer le restant de nos jours, mais comme c’est là, nos jours, ils vont être courts en maudit, si je compte ça [le reste de ses économies], se désole Gérard Simoneau, qui habite au Manoir Jeffrey depuis deux ans.
Il a accepté de nous rencontrer avec une autre résidente, Raymonde Pellerin, pour témoigner de l’impact de cette hausse à la résidence du Manoir Jeffrey. Cette résidence privée est l’une des seules dans la MRC des Sources.
Ça a fait un gros boom quand c’est arrivé d’un coup sec. Il y a des gens qui sont là depuis 10 ans, puis qui ont dû se demander s’ils étaient encore capables de rester ici, témoigne Mme Pellerin, encore bouleversée par le contexte actuel.
Au mois d’août, les quelque 170 résidents ont reçu une lettre de la direction leur annonçant les hausses à venir pour 2026. Le loyer augmentera de 5,9 %, passant de 1535 à 1625 $ pour un 3 et demie.
Ce sont toutefois les frais de services qui ont fait sursauter plusieurs aînés. S’il y a plusieurs augmentations, notamment pour les soins infirmiers, c’est celle pour les repas qui en a laissé plusieurs bouche bée. Le coût des repas est passé de 250 $ à 720 $ par mois, soit une hausse de 470 $.
Au total, un résident vivant dans un 3 et demie devra assumer dès 2026, une hausse d’environ 650 $ par mois.
Tout le monde était dans le point d’interrogation. Comment on va faire pour vivre?
Une citation de Raymonde Pellerin, résidente depuis six ans au Manoir Jeffrey
Ce changement a créé une véritable onde de choc parmi certains résidents.
La consultante au Service budgétaire populaire des Sources, Ève Normand, est très préoccupée par la situation au Manoir Jeffrey. Celle qui a accompagné plusieurs résidents a constaté que plusieurs d’entre eux n’auront, à court terme, plus les moyens de vivre à la résidence. Avec une augmentation comme ça, ils arrivent à du - 400 ou - 600 par mois.
Il y en a qui vont couper immédiatement dans les médicaments, la nourriture, le nettoyage. On s’en va vers quoi…
Une citation d'Ève Normand, consultante, Service budgétaire populaire des Sources
Elle dit que plusieurs résidents vont tout simplement couper dans les services. Une dame nous a expliqué qu’elle ne pourra même plus payer pour ses culottes d’incontinence, rapporte Mme Normand.
Mme Normand craint que certains résidents se retrouvent à la rue, faute de moyens. «Dans notre secteur, il n’y a pas de logement abordable, souligne-t-elle. Si plusieurs aînés se ramassent en itinérance, on n’a pas de logement d’urgence.»
La gestionnaire de la Résidence du Manoir Jeffrey, Nataly Beaulieu, se dit elle aussi préoccupée par l’impact de la hausse, mais assure que c’était inévitable. Il fallait faire cette hausse. On était en déficit toute l’année 2025 et on ne peut pas être en déficit tout le temps.
Mme Beaulieu explique que la situation financière était si préoccupante que le propriétaire a même envisagé la fermeture, la vente ou la conversion en unité locative de la résidence. Elle assure que les prix étaient inférieurs à ceux des RPA des régions environnantes. Ils auraient dû être augmentés depuis longtemps, avance-t-elle.
Nos prix sont quand même inférieurs aux régions environnantes.
Une citation de Nataly Beaulieu, gestionnaire à la Résidence du Manoir Jeffrey
Elle affirme avoir fait de nombreuses rencontres individuelles avec les résidents et leur famille pour leur expliquer les motifs derrière cette hausse et qu’une forte majorité ont décidé de renouveler leur bail.
Lorsqu'on lui a demandé pourquoi la hausse n’avait pas été échelonnée sur plusieurs années, Mme Beaulieu répond que les résidents en ont profité toutes ces années.
Mme Beaulieu croit toutefois que la situation actuelle témoigne d’un problème de société, où les pensions ne permettent pas aux aînés de vivre décemment. Ce n’est pas au propriétaire d’assumer tous les frais parce qu’on a un problème de société, souligne-t-elle.
Ève Normand espère quant à elle que les résidents pourront avoir un soutien. On continue à militer, on continue à espérer que quelque chose va changer quelque part.
Invité à réagir aux hausses, le bureau du député de la CAQ de Richmond, André Bachand, a décliné notre demande d’entrevue, mais nous a répondu par courriel qu’il est extrêmement sensible à la situation des résidents. Celui-ci a rencontré des résidents, des dirigeants du CIUSSS et la direction du Manoir Jeffrey.
M. Bachand et moi-même avons été profondément touchés par les témoignages recueillis.
Une citation de Dominique Samson-Desrochers, directeur de bureau et conseillère politique du député André Bachand
La directrice du bureau d’André Bachand, Dominique Samson-Desrochers, a également précisé que le député ne pouvait aller plus loin dans ce dossier. M. Bachand ainsi que les employés de notre bureau ont été au bout de ce que nous pouvions faire dans ce dossier.
Gérard Simoneau croit quant à lui que la situation actuelle nuit à la dignité des personnes aînées. On est des personnes âgées, on a droit à un certain respect. On a payé des impôts toute notre vie.
Raymonde Pellerin ne cultive aucune rancune envers la direction du Manoir Jeffrey. Elle espère toutefois que le gouvernement aidera les résidents.