L’APTS veut encourager la population à lutter pour l’accès aux soins

Les personnes vivant dans les régions éloignées sont loin d’avoir le même accès aux soins de santé et aux services sociaux que ceux du sud du Québec, juge le syndicat.

Martine Letarte, Le Devoir
November 3, 2025

Les interruptions de service en raison du manque de personnel pendant les vacances dans les établissements de santé et de services sociaux de la Côte-Nord ne font plus les manchettes comme en 2024. Mais même normalisée, la situation n’est pas rose pour autant. Surtout, elle diffère grandement de celle que vivent les habitants du sud du Québec.

C’est ce que remarque Kevin Newbury, représentant national de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) pour la région de la Côte-Nord, qui représente près de 1000 travailleuses et travailleurs du secteur public. Il prend l’exemple des accouchements à Fermont, qui compte moins de 2500 habitants.

« Il y a tellement peu de naissances qu’il n’y a pas un gynécologue pour aider les femmes à accoucher, explique-t-il. On leur demande donc de prendre l’avion pour le centre urbain le plus proche, qui est Sept-Îles. Mais, après 36 semaines de grossesse, il y a un risque à prendre l’avion, donc elles doivent s’y rendre avant. Souvent, ce sera sans le conjoint parce qu’il ne pourra pas prendre congé et, parfois, il devra rester avec les autres enfants. Avec un horaire de travail à la mine, ce n’est pas simple à gérer. »

Cela représente aussi des coûts. En plus de devoir terminer de travailler plus tôt, la future maman devra se trouver un endroit où loger à Sept-Îles.

« Si elle a de la famille à Québec et souhaite y accoucher, le Centre intégré de santé et de services sociaux de la Côte-Nord ne payera pas le déplacement, précise ce natif de Joliette. Elle devra aussi se trouver un médecin. Ce sont des conditions inacceptables. »

Et si une femme est victime de violence conjugale, à Fermont ? « C’est l’enfer, parce que des appartements à louer, il n’y en a pas, affirme Kevin Newbury. Une grande partie des résidences sont détenues en partie par la mine et elles sont destinées aux travailleurs. »

Manque d’accessibilité dans les centres urbains

Même dans les grandes villes de la région, les listes d’attente sont souvent longues pour avoir accès à des soins de santé et à des services sociaux. De plus, certaines spécialités ne sont tout simplement pas offertes.

Par exemple, si vous avez besoin d’hémodialyse. « Il y a peu de places disponibles à Baie-Comeau et à Sept-Îles, il y a une liste d’attente et, avant d’obtenir des services dans la région, les patients doivent aller à Québec ou à Chicoutimi », précise le représentant syndical.

Pour avoir accès à de la radiothérapie ? « Ce service n’est pas offert dans la région, donc il faut aller à Québec, à Saguenay, ou dans le Bas-Saint-Laurent », ajoute-t-il.

Pistes de solution

C’est cette réalité qui a convaincu l’APTS de mener une campagne tout l’été afin de sensibiliser les gens à ce double standard et faire signer une pétition demandant de garantir un accès équitable aux soins et aux services sociaux dans les régions éloignées.

Si les pistes de solution sont multiples, elles passent nécessairement par un meilleur accès au logement, croit Kevin Newbury. « Le taux d’inoccupation est très bas sur la Côte-Nord », indique-t-il.

Effectivement, il était de 0,5 % à Sept-Îles en octobre 2024 et de 1,3 % à Baie-Comeau, indique Statistique Canada sur base des données de la Société canadienne d’hypothèques et de logement. Et ce, alors que l’on considère que l’équilibre entre l’offre et la demande est atteint à 3 %.

« Les gouvernements doivent collaborer pour faciliter la construction de logements de bonne qualité, que ce soit en créant des programmes ou en changeant le zonage, affirme le syndicaliste. Il faut des logements temporaires pour les personnes qui viennent aider, mais aussi des options pour celles qui veulent vraiment s’établir ici. »

Il mentionne aussi le réseau de télécommunication qui est loin d’être présent sur tout le territoire. « Par exemple, entre Baie-Comeau et Sept-Îles, deux pôles importants sur la Côte-Nord, il y a trois heures de route à faire. On y trouve plusieurs zones mortes. La route est dangereuse : il y a des falaises. Sur la Côte-Nord, on oublie ça, avoir une ambulance en 10 minutes ! »

Le manque de garderies est un autre point de vulnérabilité de la région. « Le gouvernement doit construire des centres de la petite enfance dans les différentes installations de santé et de services sociaux pour que les travailleurs et les travailleuses puissent y envoyer leurs enfants, explique-t-il. Ne pas avoir accès à une garderie, c’est quelque chose qui empêche des gens de venir s’installer ici. »

M. Newbury souligne enfin l’importance de la prime d’éloignement de 8 %, qui n’est offerte qu’à partir de Port-Cartier.

« Il faudrait qu’elle soit offerte partout sur le territoire, croit-il. Vivre sur la Côte-Nord, avec tous les déplacements que ça implique pour obtenir des services, ça coûte plus cher. Il faudrait aussi offrir cette prime aux jeunes d’ici partis étudier dans les grands centres et qui veulent revenir. Les gens aiment la région, la nature, les fruits de mer et les couchers de soleil, mais il y a des inconvénients à vivre ici. Il faut s’y attaquer. »

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