L’engagement bénévole est en chute depuis quelques années au pays, selon une nouvelle étude de Statistique Canada, qui montre du doigt les effets pervers de la pandémie et l’inflation. À Montréal, des organismes admettent que certaines choses doivent changer, mais croient que « la fibre sociale n’est pas éteinte pour autant ».
Au total, le nombre d’heures consacrées au bénévolat est passé de 5 milliards en 2018 à 4,1 milliards en 2023. Cela représente une baisse de 18 % sur cinq ans. La baisse est encore plus forte quand on regarde uniquement le bénévolat encadré, c’est-à-dire au sein d’organismes : le temps consacré à aider sa communauté a chuté de plus de 40 % en une décennie. En moyenne, les personnes ayant fait du bénévolat y ont consacré 173 heures il y a deux ans, alors que c’était plus de 200 auparavant. Pour l’heure, 73 % des Canadiens offrent de leur temps à un moment ou un autre ; ils étaient huit sur dix à le faire en 2018. C’est surtout chez les femmes que cette baisse se fait sentir, avec une chute de 21 % en quelques années.
En guise d’explication, les auteurs du rapport notent que « les dernières années ont été marquées par des défis sans précédent » pour tout le secteur du bénévolat. Ils rappellent, par exemple, que les « répercussions découlant de la pandémie de COVID-19, au nombre desquelles figure une augmentation de la demande de services, ont contribué aux pressions exercées sur ce secteur, tout comme l’inflation et la pénurie de main-d’œuvre ». C’est chez les 25-34 ans – autrement dit, les jeunes professionnels et étudiants – que le nombre d’heures de bénévolat a le plus baissé, avec une chute de 42 % du nombre d’heures annuelles.
Au Centre d’action bénévole de Montréal (CABM), la directrice générale Geneviève Fecteau dit surtout sentir une « transformation de l’engagement ». « On voit vraiment moins de long terme. Que ça soit les jeunes ou les gens au début de leur retraite, c’est souvent plus le travail rémunéré qui est priorisé si les finances sont serrées », dit-elle. Selon elle, « la fibre sociale n’est pas éteinte pour autant ». « On a encore plein de gens qui s’engagent, mais les besoins sont peut-être plus spécifiques qu’avant, […] donc il faudrait aussi aller un peu plus vers les bénévoles, comprendre leurs enjeux, leurs réalités. Les gens n’ont pas nécessairement besoin de grands galas pour se sentir reconnus, ils veulent surtout sentir qu’ils font une différence, qu’ils font partie d’une équipe. »
Dans l’est de Montréal, le directeur général d’Accès Bénévolat, Daniel Duranleau, remarque aussi une baisse de l’engagement de longue durée depuis quelques années. « La pandémie a coupé certains élans, c’est certain, mais il y a aussi le fait que les organismes ont beaucoup développé leur recherche de bénévolat de façon directe, sur leur site ou leur infolettre, donc il y a une forme de compétition qui s’est installée, avec certaines formes de bénévolat plus recherchées que d’autres », note-t-il. Son groupe dit travailler à « trouver le bon jumelage pour chaque personne ». « Le défi, ce n’est plus seulement de recruter, c’est de retenir les bénévoles dans un monde où l’engagement est moins fort qu’autrefois », note-t-il.
Une chose reste néanmoins certaine : les « grands bénévoles », soit les 10 % qui contribuent le plus en matière de nombre d’heures, sont toujours au rendez-vous. En 2023, ils ont effectué à eux seuls plus de la moitié (61 %) de l’engagement au Canada. Leur nombre d’heures n’a d’ailleurs pas diminué de façon significative, contrairement à la majorité des autres catégories de bénévoles. Même son de cloche du côté des grands donateurs, qui ont versé 9,5 milliards de dollars à des organismes de bienfaisance d’après les données les plus récentes, soit 71 % du total, une proportion qui est demeurée somme toute stable par rapport à 2018. Dans la population générale, les dons ont toutefois affiché un recul de quelques points de pourcentage.